Vic Mensa, l’art de tenir deux vérités à la fois
- Jennifer Dimonekene
- 28 sept.
- 2 min de lecture

À Paris pour la dernière Fashion Week Homme, nous avons eu le plaisir de le rencontrer, Vic Mensa traverse la ville comme il traverse la musique : en équilibre entre deux mondes, deux héritages, deux vérités qu’il refuse d’opposer. Né à Chicago, avec des racines ghanéennes, il a grandi dans une cité qu’il décrit comme “l’Amérique en bouteille : éclatante de promesses et brûlante de contradictions, capable du meilleur comme du pire”. Une tension qui l’a forgé, nourri et armé d’une lucidité qu’il projette dans ses textes.
Chez lui, l’engagement n’est jamais posture. Il parle de colonisation, de racisme systémique, de violences d’État, mais sans dogmatisme. “Je pense que moi j’ai une responsabilité. Je ne crois pas que ce soit la même pour tout le monde. J’ai grandi dans une famille d’éducateurs, avec un père professeur. J’ai reçu des outils, beaucoup ne les ont pas. Ce n’est pas sur eux que ça doit reposer.” Dans sa bouche, la phrase se déploie comme une évidence. La musique, pour lui, reste un vecteur d’idées capables de changer un regard en un instant.
Vic Mensa ne joue pas non plus le rôle du prophète infaillible. Il parle sans détour de santé mentale, d’explosions qu’il apprend à canaliser par la méditation, le sport et la sobriété. “Quand j’arrête de méditer, tout m’énerve. J’ai une nature explosive.” Ses mots ne masquent rien : l’équilibre est une discipline, pas une illusion.
À Paris, il observe la mode avec affection et distance. “C’est un langage. Avant même de parler, ton t shirt, ton accessoire, ta bague disent déjà quelque chose.” Mais il sourit, conscient que ses priorités ont changé. “Depuis que je suis père, j’achète des poussettes et des couches, pas des boots à 3 000 dollars.” L’aveu n’a rien de cynique : il dit la beauté de ce qu’on choisit de porter et l’urgence de ce qu’on doit assumer.
Dans la musique, il s’autorise la même liberté. Rap, punk, Afrobeats : il se refuse à choisir, tant que l’idée résonne. “Les kids n’ont plus de genre. Ils écoutent The Cure et NLE Choppa dans le même trajet. Peut-être que je devrais me mettre à la country.” Derrière la blague, la vérité : il poursuit les émotions, pas les étiquettes.
Redevenu indépendant, il découvre la face nue de l’industrie, sans les filtres des agents ou des managers. “Quand tout le monde fait pour toi, tu ne sais plus ce qu’ils font. Comment veux-tu diriger ?” L’autonomie est une école brutale mais précieuse. Elle l’amène à redéfinir le succès, non plus dans les chiffres mais dans la capacité à transformer une idée en œuvre. “La validation est une impasse. Si elle ne vient pas du divin ou de toi-même, elle ne mène nulle part.”
Vic Mensa a la franchise de ceux qui ont déjà brûlé leurs illusions. Il parle d’urgence, de responsabilité, de paix intérieure, mais sans prêcher. À l’aube d’une nouvelle étape, entre la paternité, la création et l’indépendance, il cherche surtout à rester entier. Et son prochain projet, un EP intitulé Sundiata, en sera la preuve : brut, libre et fidèle à ce qu’il est vraiment.
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