Milieu créatif parisien secoué par des témoignages : Keeqaid porte plainte pour diffamation
- Selma Seghiouer
- 9 août
- 3 min de lecture

Ce jeudi, le rappeur Keeqaid a annoncé sur Instagram avoir porté plainte pour diffamation à la suite des accusations de violences sexuelles formulées contre lui sur les réseaux sociaux. Dans ce message, il dément formellement les faits évoqués dans deux témoignages récents.
Ces récits, publiés sur X l’un ayant d’abord été adressé au compte privé @la_liste_rouge, émanent de deux femmes. La première affirme que Keeqaid aurait poursuivi un rapport sexuel malgré ses refus répétés. La seconde raconte qu’au cours d’une soirée, alors qu’elle était « presque inconsciente », l’artiste l’aurait déplacée à plusieurs reprises dans son appartement pour l’agresser. Toutes deux disent avoir contracté une infection sexuellement transmissible après les faits présumés.
Ces accusations, que Keeqaid conteste et pour lesquelles il a engagé une procédure judiciaire, interviennent quelques jours après celles visant un autre rappeur, Jeunesaint. Ce dernier a été mis en cause par deux femmes pour des faits qu’elles qualifient de violences conjugales, revenge porn et viol. À ce jour, il n’a pas réagi publiquement.
D’autres noms circulent également dans les discussions internes aux milieux créatifs, notamment via @la_liste_rouge, un compte qui compile des signalements.
Les coulisses des milieux créatifs : entre éclat et zones d’ombre
Dans la mode comme dans la musique, beaucoup de collaborations commencent loin des salles de réunion. On se croise en backstage, on s’invite dans un studio d’enregistrement, on shoote dans un appartement transformé en plateau photo. C’est un écosystème où tout repose sur la confiance et sur un réseau qui se tisse au fil des rencontres, souvent hors de tout cadre officiel.
Ces espaces informels donnent naissance à des images iconiques, à des carrières éclairs… mais ils peuvent aussi devenir le terrain idéal pour des abus.
C’est dans ce contexte qu’@la_liste_rouge s’est imposé comme un mot de passe discret. Accessible uniquement aux femmes et sur validation, ce compte compile des témoignages visant des figures connues de ces scènes : rappeurs, beatmakers, photographes, influenceurs, mannequins. Dans un monde où la réputation est capitale et où tout se sait sans jamais se dire publiquement, cet espace fonctionne comme un filet de sécurité, un lieu où les avertissements circulent avant qu’il ne soit trop tard.
Un espace de parole hors des radars
Dans ces stories confidentielles, les récits se ressemblent : soirées qui dérapent, rendez-vous professionnels qui basculent, propositions toxiques sous couvert de collaboration artistique.
Pour beaucoup de femmes, témoigner ici est la première occasion de se sentir crues. Les messages privés deviennent un réseau souterrain : on y échange des noms, mais aussi des contacts d’avocates, d’associations, ou des conseils pour réagir en cas d’agression.
Dans les milieux créatifs, où le pro et le perso se mêlent en permanence, un simple shooting ou une session studio peut se dérouler dans un espace clos, loin des regards. Sans cadre officiel, les abus trouvent un terrain fertile. Dans le compte, la parole circule librement, protégée par l’anonymat et la solidarité.
Le silence qui protège
De nombreux hommes connaissent les noms qui circulent. Les accusations se transmettent aussi hors du compte, dans des conversations feutrées, mais l’omerta tient bon. Par loyauté envers un ami, par peur de briser un réseau ou simplement par indifférence, certains préfèrent se taire. D’autres craignent que, s’ils s’expriment, leur propre nom soit cité à son tour.
Ce silence, qu’il soit volontaire ou non, contribue à maintenir en place un système où les agresseurs présumés peuvent continuer à agir.
Un “tribunal” ou un outil vital ?
Pour ses détracteurs, ce type de page relève du “tribunal médiatique”. Mais pour celles qui y contribuent, il s’agit surtout d’un outil de survie. On ne remplace pas la justice : on gagne du temps, on protège dans l’instant. Les schémas sont répétitifs, les noms reviennent, et chaque nouveau témoignage renforce la conviction qu’aucune femme n’est seule à avoir vécu ces situations.
Une transformation souterraine
Le changement est discret, presque invisible pour le grand public. Mais il est bien là : les femmes se parlent, se préviennent, s’accompagnent.
Des solidarités se créent, des collaborations s’organisent autrement, et certaines carrières s’éloignent volontairement des profils jugés dangereux.
Derrière les posts privés et les listes partagées, c’est une autre cartographie des milieux créatifs qui se dessine un réseau où la vigilance est devenue un réflexe collectif.











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