L'art est sans aucun doute le moyen le plus puissant pour dépeindre une personne.
On devient un artiste lorsqu'on crée une œuvre. Le terme "vrai" accompagne le mot "artiste" lorsque cette œuvre est capable de susciter des émotions, de l'admiration et d'inciter à la réflexion. Et cela, Amina Issad l'a parfaitement compris.
Présentez-vous-en quelques mots?
Je m'appelle Amina Issad et j'ai 20 ans. Je suis né et ai grandi à Paris. Je suis très sensible aux arts en général et j'aime revendiquer une forme d’extravagance à travers mon style et ma personnalité.
Quelles sont vos occupations et vos passions ?
J’ai étudié la mode pendant 2 ans puis j’ai décidé de prendre du temps pour moi. En ce moment je travaille dans le retail pour une marque de chaussures française. Je suis aussi associée et directrice artistique d’une jeune agence qui s’appelle Esthète. Comme dit précédemment je suis passionnée par les arts, en particulier la mode, la photographie et la peinture. Je commence également à m'intéresser à certaines luttes sociales. En ce moment j’aime lire Bell Hooks pour les nouveaux horizons de féminisme qu’elle présente.
Quels sont les valeurs et principes qui vous accompagnent au quotidien?
J’ai une grande considération pour la vie humaine, et pour la vie en général. Ce sont des valeurs fondamentales qui dictent ma ligne de conduite. De cela découle mon sens de l’égalité, la liberté et de l’altruisme.
Avez-vous toujours eu un esprit créatif ?
Je ne sais pas si je suis né avec, mais il s’est développé très tôt ! J’ai d’abord commencé à m’intéresser à toutes les activités manuelles que je pratiquais à l’école, très jeune. J’adorais la mosaïque, la gravure sur bois, les perles, les origamis et le dessin. C’est bien plus tard au lycée, que j’ai commencé à m’intéresser aux arts plastiques, que je pratique beaucoup plus aujourd’hui, spécifiquement la peinture. Au centre aéré j’ai même monté une troupe d’artistes ! Ensemble on créait des spectacles qu’on montrait aux autres. Le temps d’un instant on avait l’impression d’être les personnages principaux de notre propre comédie musicale.
Comment avez-vous fait vos premiers pas dans le “fashion business”?
C’est d’abord mon frère qui m’a transmis la passion de ce milieu en me parlant de l’industrie, des marques et des magasines. Puis j’ai voulu approfondir ça en me lançant comme modèle indépendant. Et pour commencer je me lançais dans des shooting de rue avec mon frère. Je me mettais en scène publiquement essayant de vaincre l’inconfort d’être vue ou scrutée. J’essayais d’apprivoiser l’objectif. De fil en aiguilles j’ai fait pas mal de rencontres puis j’ai fait la connaissance de Jeremy (@oue_jo). Ce dernier m’a recrutée en tant que modèle pour Esthète. Suite à cela j’ai eu l’opportunité de faire de la direction artistique chez eux. Et c’est comme ça que j’ai fini par m’associer à eux pour développer ma carrière artistique et avoir un autre impact sur cette agence.
Quelle est votre valeur ajoutée dans cette industrie?
Je crois qu’elle réside dans le manque de visibilité des corps qui ressemblent aux miens. Étant donné qu’il y a très peu de femmes maghrébines , qui plus est, qui portent une afro représentée dans l’industrie, je crois que ma valeur ajoutée se trouve dans ce que j’appelle ma rareté.
Qu’est-ce qui vous a attiré dans le mannequinat ?
Ça m’est venue très naturellement. Ce que j’aime là-dedans, et que je trouve très important, c'est le fait de pouvoir être qui je veux et d’incarner n’importe quel personnage. C’est à la recherche de cette extase que je m’adonne à des activités artistiques. Une forme de plénitude. Un lâcher prise.
En quoi consiste le métier de directrice artistique ?
La DA consiste à créer et produire divers projets avec une ligne directrice, une idée. Pour ma part cette idée j’essaye de l’approfondir et de lui donner un sens différent. J’essaie de faire en sorte que d’autres puissent la voir de mon point de vue, un point de vue correctement situé. Un point de vue choisi pour son aspect séduisant, dégoûtant, percutant, voire paradoxal. Cela peut prendre la forme d’une vidéo courte, d’un court métrage, d'un shooting photo.
«Impossible n’est pas Esthète», en tant que directrice artistique de Esthète (@esth_co) quels sont les moyens que vous utilisez pour braver l’impossibilité?
Je crois que c’est un peu comme partout. Chez Esthète, tous les moyens sont bons à prendre pour braver l’impossible. Cette phrase est récurrente chez nous dans le sens où nous avons une vision très vaste de ce que nous sommes capables de faire. Esthète est avant tout un groupe de plusieurs artistes divers et variés réunissant des photographes, des vidéastes, des modèles, des directeurs artistiques, des peintres, des graphistes, des stylistes ainsi que des makeup-artistes. Nous avons tous des parcours différents et c’est ce qui fait la force de notre équipe. Rien ne nous arrête car toujours quelqu’un sera prêt à rebondir.
Quand avez-vous pris goût à l'art ?
Comme dit question 4 très tôt. Je pense que ce qui m’a particulièrement sensibilisée à l’art ce sont les productions culturelles et visuelles qui gravitent autour de moi. J’ai grandi à Paris, une ville qui est ponctuée d’art. Alors honnêtement comment ne pas y prendre goût. Mon professeur d’art au lycée, que je voyais cinq heures par semaine, m’a également donné ce goût de l’art. Ma tante a aussi beaucoup influencé ma culture littéraire en me familiarisant avec nombre d’œuvres célèbres et d’auteurs illustrés.
Pourquoi avoir choisi de partager votre art sur les réseaux sociaux ?
J’ai toujours pensé que les réseaux sociaux étaient le nouvel Eldorado des marginaux. Ils sont pour moi un moyen de toucher les gens que je ne pourrai pas atteindre par mes propres moyens. C’est une antenne non-négligeable pour beaucoup d’artistes aujourd’hui et il fallait que je sois sur ce canal.
Qu’elle a été votre première source d’inspiration, est-elle toujours la même aujourd’hui ?
Ma tante m’a toujours inspirée. Elle a toujours été différente des autres adultes qui m’entouraient. Elle exprimait une forme de nonchalance et d’indépendance. C’était le genre de femme que j’avais envie d’être, créative, pétillante, avec un esprit libre. Aujourd’hui elle fait toujours partie de mes inspirations mais j’en ai d’autres… Je suis souvent inspiré par des femmes qui me ressemblent, et qui sont parties de rien. Souvent des actrices comme Oulaya Amamra, Leila Bekhti et Lyna Khoudri. Des peintres comme Monet, Basquiat ou encore très récemment Bahia cette peintre algérienne qui a inspiré tant d’artistes en Occident. Des divas comme Oum Khaltoum ou Warda l’Algérienne qui a autrefois pris part à sa révolution à sa manière.
Quel est votre style ? Quelle peinture utilisez-vous ?
J’ai un style plutôt éclectique et j’aime varier tous types de courants dans mon art. Je m’inspire principalement du fauvisme car c’est littéralement le mouvement qui incarne la couleur. J’aime aussi l’esthétique et la nuance des lumières de l’impressionnisme mais notamment l’art abstrait et l’expressionnisme pour la déformation des lignes et la vision d’une réalité différente et plus subjective, avec un questionnement et une réinterprétation du beau. Dans mon travail, je joue beaucoup avec un imaginaire intérieur que je me suis construit depuis l’enfance. J’ai toujours adoré le fantastique, mêlant euphorie, utopie, irréel et surnaturel. J’utilise principalement de l’acrylique ainsi que de l’aquarelle et j’aime jouer avec différents supports. J’aime expérimenter des choses et utiliser mon corps pour mieux m’approprier la matière. Je dirais que j’ai un style plutôt versatile qui évolue et se mélange. Il est encore difficile pour moi de le décrire précisément car je suis moi-même encore dans une introspection de mon art et dans une découverte évolutive.
Quels sont les étapes et le temps d’acheminement de vos œuvres ?
Il y a déjà un long travail de recherche d’inspiration et de technique. Je pousse ma curiosité et je teste différents supports. Tout commence par des essais et de la réflexion mais j’aime aussi énormément être spontanée et créer à l’instinct.
Comment le mannequinat met en avant votre fibre artistique ?
Encore une fois, tout est dans le corps. À mon sens posé, ce n’est pas seulement porter un vêtement et être l’objet d’un observateur. Poser, c’est une danse. C’est un art. La manière dont mon corps s’exprime raconte des choses sur moi. La façon dont il se contracte, dont il se détend et s’épanouit révélant ma force et mes cicatrices. Aussi dans les milieux dans lesquelles j’évolue, je suis souvent amenée à collaborer avec les photographes qui me shootent, et mon travail devient en quelque sorte une représentation. Alors forcément cela met en avant ma créativité et ma patte artistique.
Sur votre profil @art.by_amina des faciès humains sont majoritairement présents quel est le message derrière cette “Facial Deconstruction” ?
Ces visages représentent la colère brute, les émotions amères que j’ai essayé de montrer sans pudeur. J’ai extériorisé ma rage, ma tristesse, ma vulnérabilité pour les mettre sur des visages. Et j’aime l’idée que ces visages évoquent quelque chose d’intime et de honteux chez le spectateur. J’ai par exemple montré l’un d’entre eux à un ami photographe; il m’a dit que cette image le mettait très mal à l’aise. Je suis à l’aise avec cette idée ! C’était peut-être même une manière de me déculpabiliser que de rappeler aux autres qu’eux aussi étaient capables de ressentiment. Ce que beaucoup tentent de nier ces temps-ci, tout le monde s’attelle à faire fi de ses émotions et prétendre que c’est une forme de faiblesse d’en avoir. J’aime mettre les gens face à leurs réalités.
Avez-vous des moments clés pour peindre ?
Mon moment clef c’est le soir. C’est presque thérapeutique ; je rentre et je me détends devant ma toile.
Quels sentiments découlent lors de votre pratique artistique ?
Mes sentiments dépendent de mon état d’esprit lorsque je crée. Cela peut être de la peur, du ressentiment, de la rage mais aussi de la compassion.
Quelles sont vos origines ? Quelle est la marque de vos origines dans vos œuvres?
Mes grands-parents sont algériens. J’aime aussi dire Amazigh. Lors de mon premier « projet » j’ai voulu représenter mes origines nord-africaines en peignant des visages diversifiés. J’avais envie de montrer la richesse de phénotypes de ma région d’origine. Ponctué de croix Kabyles qui symbolisent la liberté de mon peuple.
Quelle a été votre plus belle exposition et pourquoi?
Ma plus belle exposition c’est la présence de mes œuvres sur les murs d’autres. J’aime l’idée que des personnes que je ne connais pas puissent admirer mon travail et se reconnaître en lui.
Quand avez-vous réalisez que vos créations pouvaient être “vendables ” ?
C’est mon meilleur ami qui m’a fait réaliser que je pouvais tirer bénéfice de petites œuvres très tôt. Notre monde bouge si vite et à cette heure tout le monde souhaite avoir un bout de créativité chez soi. J’ai su saisir ce créneau. La réalité est aussi matérielle, car je ne suis pas issu d’un milieu qui me permet de vivre et créer librement. Disons que je travaille comme beaucoup à m’émanciper de ces contraintes. Pour autant je ne vis pas de mon art, cela m’aide simplement parfois à me payer du matériel.
En termes de mode, quelles sont vos marques favorites ?
Azzedine Alaia,Balmain, Issey Miyake, Yohji Yamamoto, Westwood.
Comment décririez-vous votre style au quotidien ?
Je ne crois pas avoir de style spécifique, ou alors il n’a pas encore de nom. En revanche, j’adore le bohème chic vintage. J’aime l’extravagance et la couleur et mes indispensables sont mes bijoux et mes lunettes de soleil. Je porte beaucoup de secondes mains.
Qu’est-ce qui anime au quotidien votre envie d’évoluer dans ce secteur ?
J'ai une détermination très forte et je sais que ce sont ces domaines qui me stimulent. J'aime pouvoir faire évoluer mon esprit créatif et être entourée d'artistes. Mettre en commun des idées et créer de grandes choses c'est important pour moi . Mon but n'est pas de plaire à tous mais d'en toucher beaucoup. J'admire aussi la polyvalence de ces milieux où l'on peut s'épanouir de différentes manières. Il y a encore tellement de choses à imaginer et à créer ! Cela me passionne. J’ai l'impression pour moi que tout est réalisable et possible peu importe l'ampleur du projet où le temps que ça mettra je sais que j'y arriverai.
Quels sont vos projets avenirs ?
J'envisage de réaliser de nombreux projets artistiques. Vous pourrez visualiser tout cela en temps voulu à travers mes réseaux sociaux et peut-être même d’autres canaux.
Un mot pour nos lecteurs ?
Il y a une phrase de Fatima Mernissi que j'aime beaucoup et que je souhaite partager : "la dignité c'est d'avoir un rêve, un rêve fort qui vous donne une vision, un monde où vous avez une place, où votre participation, si minime soit-elle, va changer quelque chose. Vous êtes dans un harem quand le monde n'a pas besoin de vous."
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